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Le Lycée Franco-Chinois & Le Collège Fraternité

Written By kinhtehoc on Chủ Nhật, 1 tháng 1, 2012 | 12:44

Le Lycée Franco-Chinois & Le Collège Fraternité
Michel BRUN
Il y a un peu plus de 100 ans … à Cholon
Le Lycée Franco-Chinois
Devenu il y a 50 ans …
Le Collège Fraternité
C’est en 1908 que, sur l’initiative de M. Tsia Man Yan, fut créé une association de commerçants, banquiers, directeurs d’usine, chefs d’entreprise, aussi bien chinois que français. Cette association fut, dès ses débuts, encouragée par le gouvernement général de l’Indochine pour la création du " Lycée Franco-Chinois ". Malgré son nom, qui pourrait laisser supposer, un établissement d’Etat de l’enseignement secondaire, cette institution privée revêtit dès le départ un caractère original, différent par ses programmes et ses buts de ses homologues français locaux ou métropolitains, et chinois. Située à Cholon, rue Cây Mai (qui deviendra rue des Frères Louis, puis rue Nguyên Trai) sur un terrain de 5 hectares.
Le but que se proposait l’association – et qui a été atteint – était de donner aux enfants des résidents chinois d’Indochine la possibilité de s’instruire sans avoir à quitter le pays où étaient installées leurs familles. L’enseignement qui était donné comportait surtout des matières pratiques qui devaient leur permettre d’être en mesure de gagner leur vie dès la sortie du lycée.
Le cycle secondaire s’étendait sur cinq années. Il comprenait l’étude de la langue, de la littérature chinoise, des poètes et des philosophes chinois, de la langue française, des mathématiques, de la physique, de la chimie, de l’anglais, de la comptabilité et d’un certain nombre de cours pratiques d’application préparant aux débouchés de l’époque. Sauf pour la première année pendant laquelle les élèves se familiarisaient surtout avec la langue, l’enseignement fut donné en français. Un examen de sortie portant à la fois sur l’enseignement en chinois et en français donnait droit à la délivrance d’un diplôme, qui entre autre, était le seul diplôme d’études privées permettant à tout titulaire de devenir professeur de français dans les écoles chinoises de Cochinchine. Il donnait aussi accès, sans examen d’entrée à la fameuse université libre de Shanghai, l’université Aurore, fondée et remarquablement dirigée par les Pères Jésuites.
L’enseignement très pratique du lycée, les connaissances poussées qu’il permettait d’acquérir rapidement en français, ses frais de scolarité beaucoup plus bas en général que ceux pratiqués par les autres écoles chinoises privées furent autant d’éléments attractifs pour les élèves qui vinrent chaque année de plus en plus nombreux, au point que le nombre restreint de places dut donner lieu à une sélection laquelle permit une élévation de niveau et attira encore plus de candidats. Si la première année amena moins de 50 élèves, dès 1920, il fallut construire un deuxième bâtiment. En 1949 l’établissement dépassa les 1000 élèves. L’inscription de nombreux chinois venus de tous les coins de l’Indochine entraîna la création d’un internat et la construction d’un second bâtiment. 130 garçons et filles devinrent pensionnaires. A cette époque une vingtaine de classes d’une quarantaine d’élèves en moyenne chacune, composaient le lycée. Une quarantaine de professeurs attitrés et des chargés de cours distribuaient l’enseignement. Les professeurs français venaient pour la plupart du corps enseignant des établissements officiels français de Saigon. En ce qui concerne les professeurs chinois, ils se recrutaient parmi les diplômés de l’école de pédagogie de Hanoi, puis rapidement parmi les anciens élèves de l’école. Il y eut même en 1952 un docteur ès lettres chinois de l’université de Lyon.
Financièrement, le lycée fut construit avec des fonds souscrits par les diverses maisons de commerce chinoises et françaises de Cochinchine aussi bien que par le gouvernement général sur le terrain de 5 hectares offerts par le fondateur M. Tsia Man Yan.
Les débuts furent difficiles, le petit nombre d’élus et les frais de scolarité extrêmement bas n’offraient qu’un revenu insuffisant. Progressivement la situation s’améliora grâce à l’augmentation des frais de scolarité payés par les élèves d’une part, mais surtout grâce aux fonds versés par les chinois du Sud Vietnam et un certain nombre de subventions officielles.
Jusqu’au milieu des années 1956, les élèves, une fois nantis de leur diplôme de sortie, n’attendaient pas longtemps avant de trouver un emploi. Dans une population chinoise vivant généralement sur elle-même et ayant tendance à ne parler que sa langue, les jeunes diplômés devenaient de précieux auxiliaires tant de leurs compatriotes que des Français dans les maisons de commerce principalement, les banques, les administrations, comme secrétaires, compradores, interprètes, etc …De plus un débouché important s’ouvrait à eux dans le professorat car les écoles chinoises qui voyaient affluer chaque année de plus en plus d’élèves, recherchaient continuellement des professeurs connaissant le français.
L’administration recrutait également parmi eux les meilleurs éléments. Encore dans les années 60 beaucoup d’écoles chinoises seront dirigées par des anciens du lycée franco-chinois et la plupart des professeurs de français de Cholon auront le même cursus.
Au milieu de la décennie 50, l’occupation des locaux par les réfugiés du Nord durant une assez longue période, coïncidant avec les bouleversements politiques perturbèrent de façon assez profonde l’établissement. La naturalisation des Chinois par le président Ngo Dinh Diem, la pression politique imposèrent la modification de l’appellation : " franco-chinois " qui devint Fraternité et le terme lycée fit place à Collège au sens américain du terme pour satisfaire à la mode du moment et considérée comme plus " noble " dans son sens anglo-saxon alors qu’il était considéré comme un " déclassement " pour les partisans de la culture française.
Deux cours de langue française pour adultes créés en 1959 périclitèrent. Le déficit qui n’était plus comblé par les firmes chinoises dépassait les 2/3 du budget. L’infrastructure conçue en 1908 qui avait très bien rempli sa fonction durant 50 ans n’était plus adaptée à l’évolution de ce demi-siècle.
C’est à ce moment qu’à l’instigation de M. Philippe Bréant alors secrétaire général de la Mission Culturelle et qui devait par la suite devenir Inspecteur Général au Ministère de l’éducation à Paris, j’acceptais d’entreprendre la modernisation de l’établissement et son adaptation aux nouvelles exigences économiques et sociales. Le diplôme du lycée franco-chinois qui avait rendu durant 50 ans de grands services à la colonie chinoise n’ouvrait plus les mêmes débouchés. Sur le plan des diplômes s’imposait de plus en plus la nécessité de posséder le BEPC et le Baccalauréat indispensable pour poursuivre à l’université. Sur le plan de la pédagogie, les méthodes avaient, elles aussi, considérablement évolué. La législation étant peu stricte sur le niveau universitaire des enseignants, le recrutement faisait appel à des bonnes volontés dont on ne pouvait trop exiger compte tenu du trop faible niveau de rémunération. Le laxisme sur l’admission des élèves en matière d’âge et de niveau, afin de ne pas diminuer le nombre de " clients " indispensables à l’existence même de l’établissement, la pratique d’un quart d’heure de récréation chaque heure de cours pour exécuter une clause du contrat signé avec la cantine, tout cela dictait le choix des réformes à accomplir.
Il fallut trois ans pour adapter la nouvelle organisation qui impliquait un contrôle plus strict de l’âge d’admission dans les classes et transformait les 3 classes primaires existantes (9ème, 8ème et 7ème) en un primaire normal de 6 années. En 1962 démarraient les 2 premières classes de 11ème (CP) normales assurées par M. Bernard Lebrun et son épouse avec une compétence et un dévouement exemplaires. Ce primaire de 2 classes devenait en 5 ans un primaire de 35 classes de 44 élèves chacune. En 3 ans les cours du soir pour adultes passaient de 2 à 14 ! Le premier cycle débouchant sur la 3ème apportait un BEPC sur 43 en 1962, 6 sur 17 en 1964 et 264 en 1974. Le deuxième cycle vit sa première terminale obtenir en 1967 les 15 premiers bacheliers pour arriver en 1974 à 89 dont 34 mentions.
Sur le plan pédagogique fut entrepris un effort considérable de recrutement de professeurs, d’excellent niveau, rémunérés à partir de 1965 de façon équivalente aux autres établissements. L’offensive du Tet Mau Than de 1968 nous amena de nouveau pour plus d’une année des réfugiés occupant deux de nos bâtiments anciens. Heureusement dès 1964 la construction de nouveaux locaux avait permis d’accueillir les élèves au fur et à mesure du rapide développement du collège. Le bâtiment Pasteur en 1964, puis Confucius en 1966, la jonction des 2 en 1969. 18 classes maternelles avaient été déjà bâties en 1965. En 1971 la construction de 11 salles de laboratoire, 3 de physique, 3 de chimie et 5 de sciences naturelles faisaient de Fraternité le premier établissement du Vietnam dans ce domaine. Son matériel moderne et complet obtenu grâce à l’aide efficace du professeur et grand physicien Jean Debiesse, Directeur du Centre de Recherches Nucléaires de Saclay qui nous fit parvenir du matériel périmé pour Saclay mais ultra moderne pour nous. Le complément fut acheté à Paris grâce à la subvention du Ministère et à une tournée de magasins de 2 mois de firme à firme pour non seulement obtenir des rabais, souvent importants, mais pour plusieurs, des dons d’appareils très modernes mais chers et offerts pour participer à notre effort de développement culturel au Vietnam. Une grande partie de ce matériel disparaîtra en 1975 emporté lors des bouleversements militaires avec l’arrivée d’ " experts étrangers amis " intéressés par la qualité et la modernité de ce matériel.
Après avoir été à partir de 1970 le plus grand établissement francophone du monde, avec 6460 élèves, 216 enseignants et 146 classes, il devenait en 1976 après les changements politiques et militaires, faculté de pédagogie et centre pilote de formation des maîtres avec des classes pilotes expérimentales. Ainsi une part de la vocation de cette création centenaire continue à transmettre le savoir, assurer la formation des " transmetteurs " de savoir, éduquer. Des milliers de jeunes formés à Fraternité ont, après le grand exode de 1975, essaimé de par le monde en Australie, Nouvelle Zélande, Philippines, USA, Canada, France, Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche … et Chine, restant tous unis par l’esprit " fraternien " et regroupés dans l’association Fraternité Saigon-Cholon.
Comme dans toute page d’histoire, il existe des monuments élevés, sinon à la gloire, tout au moins au souvenir de ceux qui ont fait cette histoire. Ayant perdu une grande partie de la documentation sur le lycée franco-chinois, en dehors du nom de M. Tsia Man Yan qui offrit le terrain en 1908, seuls quelques noms émergent de ma mémoire, en 1938/1940, le commandant Robert, puis le colonel Jay et M de Milleville. Lors de la transformation du lycée en collège Fraternité, le premier président fut M. Philippe Grandjean, directeur des BGI (Brasseries et Glacières de l’Indochine). Lui succéda le Professeur Rivoalen, dernier doyen français de la faculté de médecine. C’est sous sa présidence que je pris la direction de l’établissement. Grâce à son dévouement, sa compréhension et sa diplomatie, j’ai pu sans trop de heurts entreprendre les réformes d’adaptation indispensables pour faire de l’établissement un centre d’enseignement moderne. Je me dois d’évoquer ici le rôle discret, mais combien efficace, d’une personnalité extérieure à l’établissement, mais au cœur des centres de décision de la Mission Culturelle Française, M. Philippe Bréant qui deviendra par la suite Inspecteur Général de l’éducation à Paris. Au départ du Professeur Rivoalen, la présidence fut assurée par M. Michel Roux, directeur de la Banque franco-chinoise dont l’appui permit les premières constructions de nouveaux bâtiments de 1962 à 1964. Son successeur à la tête de la Banque franco-chinoise, lui succéda également à la présidence du conseil d’administration du collège, M. André Amathieu. Grâce à son appui constant, à sa participation active chaque semaine, à une collaboration permanente qui se transformera en amitié profonde, les travaux d’agrandissement des locaux (82 salles de classes construites) furent poursuivis et accélérés et les réformes conduites à leur terme, malgré les difficultés multiples qu’entraînent tout bouleversement d’habitudes ….
A son départ, M. Jean Despieres, de la direction des BGI lui succéda et entreprit de poursuivre l’appui efficace qu’avait apporté son prédécesseur jusqu’au bouleversement d’avril 1975. Mais je ne voudrai pas ne graver sur le marbre de ce monument d’histoire que les noms de ceux qui ont présidé à cette œuvre. Dans ce qui a été entrepris de 1960 à 1975 des noms méritent d’être inscrits sur le même marbre, il est impossible de citer les 216 enseignants présents à mon départ en 1975. Mais dans l’histoire de la rénovation, du développement et de la modernisation des noms émergent. Pour la création du primaire en 1961, la pierre angulaire de ce qui, parti de 2 classes de 11ème atteindra 35 classes 5 ans plus tard, fut M. Bernard Lebrun avec son épouse Marcelle. Mme Dapoigny vint apporter sa compétence et son dévouement au moment où la croissance rapide imposait une formation pédagogique profonde et rapide d’un personnel de plus en plus nombreux. C’est elle qui me fit venir Mme Behr qui lui succéda et " façonna " le jardin d’enfants dont la réputation s’étendit rapidement à toute l’agglomération Saigon Cholon. M. Thi Chu Giao (dit Tcheng) fut l’âme des classes spéciales chinoises, M. Dejean de la Bâtie créateur de Fraterculture, du cinéma permanent et des activités culturelles annexes. Pour qu’une œuvre comme Fraternité se réalise en 15 ans il lui fallait une " âme " et cette âme, c’est l’ensemble des volontés et des dévouements tous tournés vers le même but, pour le même idéal, unis dans le travail et la fraternité qui pouvaient la réaliser. C’est cette âme fraternienne qui continue à nous unir tous de par le monde.
PS : Si vous avez des documents ou des connaissances particulières concernant l’histoire du Lycée franco-chinois et du Collège Fraternité, n’hésitez pas à nous écrire. Merci.
Michel BRUN
Le 12 février 2009
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